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4/12ème RCA Algérie
4 avril 2010

CITATIONS A L'ESCADRON Citation du Capitaine

 
CITATIONS A L'ESCADRON
Citation du Capitaine François de LESCURE, Commandant le 4ème Escadron, reçue le 20 novembre 1959 : 
Commandant d’escadron qui se signale par son calme et ses qualités d’organisateur. Chargé des ouvertures de route et d’escortes sur la région d’Alger à Bougie, ainsi que de la surveillance nocturne de la voie ferrée de Sidi Aich à Beni Mansour, a assuré avec succès la circulation de nombreux véhicules civils et des trains, malgré les nombreuses tentatives rebelles pour s’opposer au trafic. S’est fait remarquer également au cours des opérations Jumelles en effectuant avec ses blindés des bouclages efficaces, notamment les 30 et 31 juillet 1959 sur la route du col de Chelatta, dans le douar Ighram, du 10 au 12 septembre, dans le douar Ouzellaguen, et le 27 septembre sur les pentes sud du Beni Melli Kouch, prenant ainsi une part importante à la mise hors de combat de 50 rebelles et la récupération de 22 armes.
Citation du Sous-lieutenant Francis CARUANA
CARUANA 10 portrait
12_RCA_CARUANA_1
Collection F. Caruana
 
Citation du Lieutenant René BALEYTE
12_RCA_BALEYTE_Citation__1959
Collection Famille Baleyte
 
Citation du Chasseur Régis DEVIGE
12_RCA_DEVIGE_portrait
Collection R. Devige
12_RCA_DEVIGE_Citation
12_RCA_DEVIGE_Felicitations

 
RECITS CONCERNANT L'ESCADRON
 
       Capitaine François de LESCURE, Commandant le 4ème Escadron du 26 janvier 1959 au 30 août 1961.
J'ai reçu le Commandement du 4ème Escadron du 12ème Chasseurs d'Afrique le 26 janvier 1959. L'Escadron était stationné à Akbou, au sud de la vallée de la Soummam qui conduit au nord à Bougie, coupant en deux la Kabylie.
Cet Escadron était constitué par les restes du 4ème Spahis Tunisien précédemment stationné à Gabès en Tunisie et qui comprenait, avant sa dissolution, trois escadrons à cheval, dont le personnel était indigène, et un escadron d'auto-mitrailleuses, dont la majorité du personnel venait de France.
Lors de l'indépendance de la Tunisie, ce Régiment a été dissous, sauf l'Escadron d'auto-mitrailleuses ramené dans un premier temps au camp de Bou Ficha près de Tunis, puis dirigé sur l'Algérie et stationné à Akbou en Kabylie, tout en étant rattaché administrativement au 12ème Chasseurs d'Afrique stationné à près de cent kilomètres, à M'Sila.
A part un peloton détaché à Bougie, la zone d'intervention de l'Escadron était constituée par la moitié sud de la vallée de la Soummam et ses abords, ce qui impliquait souvent l'utilisation des quelques routes de montagne où, en hiver, on trouvait facilement cinquante centimètres de neige, dans le vent et les congères.
En 1959, le FLN était très fortement implanté dans toute la région et notre mission était d'assurer, de jour comme de nuit, la protection des routes et de la voie de chemin de fer d'Oued Mansour à Bougie et de participer, dans la mesure où le terrain le permettait, aux opérations de ratissage du terrain en appui avec les troupes à pied.
Lorsque j'ai pris le commandement, début 1959, l'Escadron se trouvait déjà là depuis plusieurs mois. Au début, avant mon arrivée, il s'est trouvé confronté, à plusieurs reprises et sans dommages pour lui, à des embuscades auxquelles le FLN a vite renoncé, car elles lui coutaient trop de pertes.
Une fois cependant, un détachement de l'Escadron avec lequel je me trouvais, revenant un après midi de Bougie vers Akbou par la route principale au fond de la vallée, a reçu quelques coups de fusil qui nous ont couté un blessé, mort quelques jours plus tard. Ce fut la seule perte de l'Escadron de toute la durée de la guerre.
La Vallée de la Soummam, entre Bougie et Ouled Mansour, est suivie par une voie ferrée qui a fonctionné pendant toute la durée de la guerre à peu près normalement. Mais vers le milieu de l'année 1959, à plusieurs reprises, le FLN l'a fait sauter pour rappeler son existence, sans d'ailleurs tuer personne.
Il a été alors décidé de contrecarrer son action en faisant circuler sur cette voie, toute la nuit, une patrouille composée de plusieurs wagons de marchandises, tirés ou poussés par une draisine (petite locomotive de manoeuvre) suivant les horaires variés pour être imprévisibles de l'adversaire.
Cette patrouille, pourtant très vulnérable, n'a jamais subi aucune attaque directe, ce qui eut pourtant été facile et d'une redoutable efficacité dans les portions où la voie se trouvait en "balcon" au dessus de ravins.
Il y a eu pourtant un essai de pose d'une mine visant cette patrouille, mais ses poseurs ont été obligés à plusieurs reprises de la reposer sans arriver à la faire fonctionner, jusqu'au jour où devenue trop visible, elle a été repérée par une patrouille française laquelle, en embuscade, n'a plus eu qu'à attendre l'arrivée de ceux qui venaient la réinstaller.
A l'été 1960, l'activité du FLN avait été suffisamment réduite pour que la présence permanente de blindés dans cette région soit devenue inutile et le commandement a décidé de rendre cet Escadron à son Régiment, le 12ème Chasseurs d'Afrique qui avait en charge le Secteur de M'Sila, plus au sud, sur un terrain très différent, presque désertique, le Hodna, avec son Chott pourvoyeur de mirages.
L'adversaire n'y employait plus que de petits détachements, s'efforçant de passer inaperçus, mais qui lui permettaient cependant de maintenir une forte pression sur la population, ce qui exigeait de notre part une grande vigilance.
L'Escadron fut alors scindé en plusieurs postes, le PC de l'Escadron se trouvant à M'Sila même, avec celui du Régiment.
En juillet 1960, un détachement armé du FLN ayant été repéré, caché dans la profonde tranchée d'un oued près de Mechta Dialem, l'intervention rapide du Peloton SIRIZZOTTI, camouflé dans son approche par une pluie violente (chose rare) permit de capturer, presque sans combat, une dizaine de fellaghas.
Le jour même, est installé sur place le poste de Mechta Dialem, construit avec des matériaux locaux, c'est à dire des briques d'argile, par le personnel du Peloton. Ce poste restera en place jusqu'à la fin des opérations, malgré des conditions de vie difficiles, en particulier le manque d'eau.
D'autres postes furent répartis dans la région: Baniou sur la route de Bou Saada tenu par le Peloton du Lieutenant de PANAFIEU, Mechta Dialem, Ouled Mansour dont la défense était assurée par les villageois eux-mêmes organisés en auto-défense et équipés de fusils de chasse.
Le travail des militaires sur le terrain était de rechercher les nombreuses caches souterraines où, parfois, on découvrait un ou deux agents du FLN collecteurs de fonds.
C'est à Baniou qu'eut lieu un grave accident: l'un de nos "appelés" algériens (FSNA), un matin, pris d'un accès de folie, a vidé son chargeur de mitraillette sur tous ceux qui l'entouraient. Bien qu'immédiatement ceinturé et désarmé, une balle a atteint à la tête un de nos garçons qui l'entouraient. Le malheureux, arrivé de Métropole depuis quelques jours seulement, évacué immédiatement sur l'hôpital de Bou Saada, a pu être sauvé, mais en restant gravement handicapé.
A partir du référendum de janvier 1961, toutes les activités militaires ayant cessé, nous n'avions plus grand chose à faire et personnellement, ayant terminé mon séjour en Algérie, j'ai été rapatrié en Métropole en septembre 1961.

Jacques MAUREAU copie 2

Sous/Lieutenant Jacques MAUREAU  - Chef de Peloton au  4/12  RCA    Début Janvier 1959 --- Début Mars 1960  

 Noël   de   Guerre   en   Kabylie

JEUDI 24 DECEMBRE 1959  23 heures

La première auto-mitrailleuse roule en silence dans la nuit incertaine, enchainant les virages de la nationale 26 descendant la vallée de l'oued Summam entre Maillot et Bougie. La nuit est menaçante et froide proche du gel.

Seule pas vraiment, puisque la seconde suit à quelques dizaine de mètres ni trop prés ni trop loin. Ne pas être isolé, mais garder sa liberté de manœuvre en cas d'attaque, rester en liaison radio permanente avec l'autre, bien entendu.

Deux petits fortins à roulettes, perdus dans un vaste territoire d'insécurité totale, ne pouvant, dans la nuit, compter que sur eux-mêmes en cas de ...Tous les postes français sont à cette heure , jusqu'à l'aube, barricadés dans leurs cantonnements fortifiés. On ne peut plus compter sur personne... les avions ne peuvent  pas voler la nuit, les hélicos non plus. Peut-être par radio, mais dans quels délais ?

Le but de la mission c'est de faire régner l'insécurité pour les fellaghas sur la route de la vallée. La route, oui seulement la route ; on ne s'attarde pas dans les chemins de traverse. Bien sur, les moujahidins lovés dans leurs caches pendant le jour, suivent notre progression depuis notre départ, au son des moteurs et aux lumières des phares depuis les flans de la montagne toute proche. La nuit leur appartient.

Il est vrai que, depuis l'été, ils ont pris des sacrés coups. Ils sont moins nombreux, beaucoup se sont ralliés. Le vent a tourné. Mais les derniers s'accrochent. Ici ce sont des kabyles sobres et teigneux, bons soldats et connaisseurs du terrain comme personne.

Alors on cherche par tous les moyens a tromper l'ennemi. Les ordres de marche parviennent au chef de patrouille peu avant le départ par pli cacheté. L'itinéraire change à chaque patrouille, avec un nouveau diagramme de marche en zigzag. Pour être difficiles à repérer, on triche au maximum avec les phares : la deuxième voiture en feux black-out le plus souvent, la première alternant phare de route, projecteur de tourelle et black-out.

Sur certaines portions de route, on déboule phares éteints en seuls black-out, espérant surprendre dans un brusque allumage du puissant projecteur de tourelle, les barbouilleurs de drapeaux algériens, pas encore peints sur le goudron au précédent passage. Attention, à l'aveugle ça n'est pas facile, nos pilotes sont des as et ils ont l'instinct du chasseur...Mais on a eu des accidents.

Nous progressons sur le goudron parfois bordé de pins dont les branches font scintiller les éclats de lune. Il fait froid, très froid dans notre boite blindée ouverte à tous les courants d'air. Nous avons enfilé tout ce qui peut nous aider a tenir pour ces quelques six heures de patrouille de nuit, y compris des épaisseurs de journaux. Vraiment l'hiver c'est très dur, mais pas de problème,...c'est pour la France !

Dans chaque véhicule un équipage de quatre hommes expérimentés pour cette mission, bien armés mais qui ne représentent pas grand chose militairement. Il faut la jouer en souplesse, être rapides, mobiles et attentifs au moindre signe.

Huit hommes dans la nuit, solidaires et décidés, pour gêner nos ennemis et éviter qu'ils se sentent chez eux. A dire vrai, il y a, en plus, la draisine blindée (le peloton V.F. de notre escadron) qui poursuit sa patrouille sur la voie ferrée de la vallée un peu comme nous, mais, elle, rivée à la voie qui, parallèlement à la route, s'en rapproche parfois pour s'en éloigner plus loin. Les deux patrouilles sont indépendantes. Par moment fugitivement on perçoit au loin une lueur de leurs phares, mais eux aussi rusent avec l'éclairage...A l'occasion un bref contact radio avec nos camarades mais sobrement.

Le moment n'est pas au bavardage. Chacun est dans ses pensées mais il faut avant tout rester concentré avec l'esprit du chasseur.

Le plus dur c'est le froid, le courant d'air glacé  de la vitesse circule librement à l'intérieur, depuis l'ouverture du pilote jusqu'à à la tourelle ouverte. Le froid mais aussi le sommeil qui risque de gagner l'un ou l'autre, spécialement le pilote. Le plus souvent, la journée qui précède n'a pas été de tout repos et les hommes sont fatigués, pleins d'allant mais fatigués.

Alors parfois le Chef de Voiture, après un écart plus ou moins prononcé,  se permet un  léger rappel du pied dans le dos du pilote, et...la trajectoire se redresse.

Pas de problème particulier ce soir, les virages s'enchainent ; on a passé le hameau de Takrietz ''la rouge'', particulièrement à risque, ou nous avons perdu un camarade, dans une embuscade, au printemps dernier. Après Takrietz,  sur plusieurs kilomètres, pas un  seul arbre sur 400 mètres de part et d'autre de la route : après plusieurs affaires sérieuses, l'autorité du Secteur a fait abattre les oliviers sur les abords de cette route. Ces  espaces déserts font un effet sinistre, surtout la nuit, mais une embuscade devient difficile a y monter...

Rien de particulier ce soir, nous roulons vers le village d'El Kseur, sinon que ... c'est la nuit de Noël !

Nos hommes font leur boulot sans rechigner, impeccablement, personne ne s'est plaint.

Jamais personne ne se plaint. Ils sont fiers de ce qu'ils font, ils savent que quelque part  ils sont les acteurs d'une histoire, de l'Histoire. J'aime leur façon légère mais responsable d'assumer la mission.

Mais ce soir... c'est Noël. Dans cette solitude bleu foncé, glacée, dangereuse ce simple mot allume des petites lumières dans les pensées intimes de chacun quel qu'il soit. Les souvenirs, les images anciennes vagabondent et tournent dans les têtes,  cachées, intraduisibles. A cet instant personne n'y échappe, je crois.

La patrouille poursuit sa route, s'éloignant un peu plus de son cantonnement de Gendouze près d'Akbou. Moins de virages sur ce tronçon bordé souvent d'eucalyptus avec leurs troncs dont se détachent des tubes d'écorce fine et leur odeur si particulière humée plus pure dans la nuit.

Nous allons bientôt arriver à la limite Nord de notre itinéraire et nous allons devoir faire demi-tour. Au delà c'est une autre unité qui assure la mission.

Minuit est passé, un bref message radio du chef de patrouille : « stationnement en position combat au P.K. n°... pour demi-tour ensuite » Les deux blindés sont garés rapidement dans le noir dans un débouché de chemin, par leurs pilotes très habiles guidés par les aide-pilotes,  blindés proches l'un de l'autre, en position de départ dans le bon ordre, tourelle de la voiture de queue pointée vers l'arrière. Moteurs coupés, zéro lumière, seules les radios en tourelle restent allumées.

Très vite les hommes sautent à terre ; pas tous, il en reste réglementairement un dans chaque tourelle.

C'est le moment attendu de se souhaiter discrètement, sobrement un bon Noël et de fêter ça comme on peut, pauvrement sans étoile ni bougie ni prière mais de bon cœur avec une grande chaleur. Quelques bouteilles de mousseux de Saumur sont sorties des coffres et posées sur les capots arrière. On peut trinquer entre nous non sans une certaine émotion. Pas de chant pas de symbole chrétien mais le Christ a bien dit : « quand vous serez réunis plusieurs en mon nom je serai au milieu de vous » N'est-ce pas le cas ici et maintenant ?

On entend vaguement dans le lointain des chacals qui pleurent'' craintivement comme des enfants. Plus loin à El Kseur nous aurions pu voir des vautours charognards divagant au milieu des ordures. C'est encore un territoire sauvage.

Chacun gardera mémoire, je crois, comme moi, de ce court moment  unique de communion humaine si dépouillé si dense dans cette nuit hostile. Inoubliable...

Et maintenant, sans trainer, chacun a son poste, moteur en route, vérification armement, reprise contact radio, et en avant direction Akbou !

Toujours, au retour, l'esprit chasseur prime, cherchant à surprendre l'ennemi en plein travail de peinture indépendantiste sur la chaussée. Jamais nous n'y sommes parvenus...

Petit contact radio avec la draisine sur voie ferrée : nous nous souhaitons ''bon Noël''. Notre capitaine a eu le geste d'accompagner pour cette nuit-là l'équipage de ce blindé un peu particulier. Rien ne l'y obligeait mais il l'a fait. Chef discret, courtois, efficace, il est respecté et aimé des hommes de l'escadron. Comme nous, ils ont fait une courte halte pour ''arroser'' la Nativité.

Il va s'écouler encore plusieurs heures de route avant de rentrer au bercail, notre diagramme de marche nous imposant plusieurs courts retours en arrière et même une incursion au Sud de notre cantonnement de Gendouze. Tout à coup est-ce que je rêve éveillé : une branche d'arbre traverse la route. C'est, en fait, un malheureux porc-épic tous poils (soies) hérissés que nous avons manqué percuter. Ce n'est pas le premier mais le plus souvent on en voit sur les pistes forestières. Une nuit mon tireur, très bon fusil, en avait tué un avec ma carabine US M1. Le cuistot de l'escadron, boucher de son état nous l'avait apprêté de belle façon : délicieux, comme du porc.

Les derniers kilomètres paraissent interminables jusque vers cinq heures du matin. C'est le moment ou l'on s'interroge : qu'est-ce que je fais-là ? est-ce utile ? a qui ? pour qui ? C'est différent en opération ou l'on a guère le temps de se poser des questions, et le plus souvent de jour, en dynamique dans le ''bruit et la fureur''.

La réponse vient très vite, toute seule :

je sers mon pays ; ensemble nous contribuons à servir  cette maison commune, notre pays et c'est la noblesse de ce pays de savoir suscité un tel engagement de masse. On nous a, plus tard, rebattu les oreilles de jeunesses sacrifiées, de soldats geignards récalcitrants ou traumatisés. Pour ma part (modeste), durant mes longs mois d'Algérie je n'ai rencontré que des jeunes français pleins d'allant, faisant tout simplement leur devoir, sans se poser de problèmes, sans solde, pour la gloire et ...la France.

Enfin nous rentrons chez nous, chaque véhicule garé à son emplacement, procédure d'arrêt des moteurs enclenchée, bâché avec soin, armes en sécurité et dans leurs étuis.

On est des Cavaliers, bigre, et le matériel est traité avec  soin ; c'est le gage de pouvoir répondre à toute nouvelle nécessité.

Personne ne se fait prier pour rejoindre son lit, un peu avant l'aube. Pour mon compte j'ai, comme Sous-lieutenant chef de peloton, droit à une chambre dans cette modeste mechta-moulin à huile réquisitionnée. Comble du luxe, dans un angle est bâtie une petite cheminée qui, par chance fonctionne bien.

Ce matin-là, avec une grande délicatesse, un de mes hommes, en repos, vient de m'allumer un bon feu de bois qui, en cet instant, me procure un vrai bonheur pendant que je m'épluche de mes diverses couches avant de me jeter dans mon lit. Les planches de caisses d'obus (fournies par les artilleurs du Secteur) vont continuer à pétiller pendant que je rejoins au plus vite les bras de Morphée. Grand merci à l'allumeur, il n'avait aucune obligation.

Demain, ou plutôt dans quelques heures, jour de Noël, de nouvelles missions attendent peut-être mon peloton...

                                                   

Jacques   MAUREAU       le  26  Avril  2016

P.S.   Je dédis ce petit texte a tous les chasseurs (d'Afrique) de mon peloton du 4 /12 RCA avec lesquels j'ai vécu de nombreuses aventures, jusqu'à donner sa vie pour l'un, au courage et à la vaillance desquels je rends un vibrant hommage.

12_RCA_EWIG_portrait Brigadier Jean-Claude EWIG. Classe 63 1/B. 1er Peloton :
A notre arrivée, nous étions une dizaine à avoir fait le voyage par train, livrés à nous-mêmes !!! entre Alger et Bougie. Le Capitaine nous a reçu et nous a donné le programme du futur: pour moi, c'était une formation de tireur sur AMM8, puis le CA1 et le CA2. J'avais été sélectionné pour les EOR au centre de sélection, mais entre-temps la donne a changé. De GAULLE est passé par là et l'armée avait besoin de moins de personnel. Il fallait reconstruire l'armée.
J'ai passé quelques temps du côté de St-Charles (Constantinois), en formation dans une ferme avec des éléments d'autres escadrons. Suite à un avis de recherche lancé sur un site pieds-noirs de Philippeville, j'ai retrouvé, il y a trois ans, la famille propriétaire en France. J'ai pu faire un peu de tourisme à partir de Gastonville dans le Constantinois. Il faisait très chaud, nous allions nous baigner à la plage Jeanne-d'Arc, à Philippeville, en Half-track, et visiter un peu la ville. Nous sommes également partis vers Constantine, ville inoubliable !! sur son rocher au dessus des gorges du Rhummel, et par Batna, nous avons rejoint les belles ruines romaines de Timgad.
Nous avons défilé, le 14 juillet 1963, sur l'aérodrome de Bougie avec les escadrons qui se trouvaient à Aïn-Arnat, près de Sétif. Sans spectateurs, car les pieds-noirs étaient déjà rentrés en métropole. Donc, j'ai fait le programme annoncé par le patron, j'ai été nommé brigadier avant le retour, brigadier/chef en janvier 1964, un mois après mon arrivée au 3ème Hussards en Allemagne, puis Mdl, le 1er février 1964.
Nous avons quitté la ferme Oudali pour nous regrouper un kilomètre plus loin, dans le camp de la Plaine avec les autres escadrons. ( ancien camp de la Légion, avec des bâtiments en dur ). A l'occasion de ce départ, il y eut un grand festin en commun dans l'atelier de réparation transformé en salle des fêtes, voulu et organisé par le Capitaine COURBON et le lendemain des jeux dans le golf miniature. Après avoir nettoyé de fond en comble le casernement de ce camp, nous avons remplacé les carreaux cassés et scié le mât des couleurs, les pères blancs sont venus chercher les meubles. Le départ fut d'une infinie tristesse ! nous avons quitté le camp en colonne...l'armée du FLN attendait à l'entrée du camp pour en prendre possession! Ces images resteront gravées toute ma vie ! Puis direction le port où nous attendait le BDC BIDASSOA la "gueule ouverte". Nous avons embarqué les chars et autres véhicules lourds dans la soute et les véhicules légers furent amarrés sur le pont supérieur avec l'aide des marins. Il fallait bien amarrer, car avec un bateau à fond plat ce n'est pas triste pendant la tempête! Si mes souvenirs sont bons, nous sommes partis le lendemain, salués par des pieds-noirs restés en Algérie qui venaient voir le dernier régiment quitter l'Algérie par le port de Bougie. Nous sommes restés longtemps appuyés au bastingage pour faire le plein de ces belles images: Les Babors, le massif du Djurdjura, le Gouraya, la ville avec son inséparable place Gueydon, le cap Bouak, les Ayguades, le pic des singes et le cap Carbon avec son phare à 220 mètres d'altitude.
Après deux jours en mer, nous sommes arrivés à Marseille le 18 novembre, malades pour la plupart à cause de la tempête. Après avoir enlevé les chaînes, ce fut le débarquement des véhicules, puis, un beau défilé en colonne vers la gare pour le transbordement sur les wagons du train. J'ai pu prendre une photo unique; les chars qui se suivent en sortant du port. Nous sommes arrivés le lendemain ou le surlendemain à Sissonne, changement radical de décor, triste retour sous la pluie. Nous avons attendu l'arrivée du train pour décharger le matériel, lots de bords, armement et munitions... et tout laisser pourrir sur place. Le président de l'Amicale des anciens du 12ème RCA s'est promené, quelques années plus tard, dans le camp et a retrouvé, dans les ronces, l'AMM8 de commandement "Alsace", visible sur mes photos pendant le défilé du 14 juillet 1963, à Bougie.
Mes photos ont été prises par un appareil Dacora acheté au foyer de la ferme Oudali en 1963.
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12_RCA_GUYON_Petit MDL Claude GUYON. Classe 62.2/C. 2ème Peloton.
J'ai été appelé à l'activité le 3 mai 1962, et affecté au centre d'instruction du 8ème Cuirassiers, à La Valbonne (Ain). En trois mois: apprentissage de la vie militaire et passage des permis: VL, PL, AMX 13, SHAFFEE M24.
Pour mes 20 ans, le 18 septembre 1962, j'étais en transit à Marseille, et le 21 septembre, embarquement pour Alger. J'ai loué une cabine de matelot pour ne pas être malade durant la traversée. A Alger, passage au centre de transit, espèce de caravansérail grouillant de jeunes soldats paraissant désemparés et inquiets (Moi aussi). Départ en train pour Sétif, séjour très bref en ce lieu, et convoi pour Bougie- la ferme Oudali- le 4ème escadron- 2ème Peloton. La route entre Sétif et Bougie, par les gorges de Kerrata, était assez impressionnante.
Première nuit à Oudali passée à courir de la baraque dortoir jusqu'au feuillées (Bien 50 mètres), à cause d'une bonne gastro, le casque lourd m'a été utile. Les hurlements des chacals ajoutaient du piment à la situation. Bien fait ! Mon père qui avait fait la campagne du Rif au Maroc, pour la capture d'Abd-el-Krim en 1921, m'avait mis en garde. "La nuit, n'oublies pas de mettre ta ceinture de flanelle. Fais gaffe aux moutiques." Il avait contracté le paludisme. Petit, j'avais peur quand il claquait des dents pendant ses crises.
L'encadrement nous a vite pris en main et le temps passait très vite. Permis AMM8 et CP1 obtenus le 24 octobre 1962. Le rituel de l'appel et de la prise de nivaquine (Je pensais toujours à mon père à ce moment là), avant le repas de midi, était un moment privilégié dans la journée. Nommé Brigadier le 16 décembre 1962, je suis le pilote de l'AMM8 qui avait pour nom "Guadeloupe". Noël 1962 s'est passé dans le dortoir, tous les colis reçus par chacun ont été fraternellement partagés. Compte tenu de la diversité de la provenance des Chasseurs, le menu était très varié.
En février, j'ai participé au peloton de formation pour être MDL. Nous étions en face de la ferme Oudali, sur la base de l'ALAT. Cet hiver était assez froid, pas d'eau chaude, bien évidemment, pour la douche. La camaraderie et la motivation qui régnaient dans le peloton, nous fait oublier toutes ces rigueurs. Obtenu le CA2 le 7 mars 1963, je suis parti au mois de mai en permission en métropole avec le bateau; sur le pont, pour ne pas être trop malade. Pendant celle-ci me parvient ma nomination au grade de MDL, quelle joie. Le retour au régiment s'est fait dans le luxe. Cabine individuelle et restaurant; une vraie croisière.
Me voila avec des responsabilités. Le capitaine COURBON, qui commandait l'escadron, était un homme qui faisait confiance. Notre travail n'en était que plus intéressant. Par exemple : Patrouilles de PM sur le secteur de Bougie. Qui descendait du trottoir quand nous croisions une patrouille ALN ? Nous, bien évidemment, la guerre était finie. Mission de convoyage en train Bougie/Alger A/R, sur deux jours, des libérables, permissionnaires et nouveaux arrivants. Seul mauvais souvenir, compte tenu du manque de personnel d'encadrement d'active, en particulier de Sous-officiers ( Le départ du régiment n'étant plus loin), nous étions de semaine et de garde souvent. La grange, qui servait de poste de garde, était infestée de punaises. Dès que la lumière s'éteignait, l'assaut commençait, nuit blanche assurée et récupération aléatoire.
je salue et remercie les Sous-officiers d'active qui, par leur participation financière, permettaient d'améliorer l'ordinaire du mess. Je me souviens des sangliers, achetés aux autochtones, débités dans la cour sur une échelle, des parties de boules avant le déjeuner, avec pour enjeu l'apéro, des sorties à la plage de Tichy. Les derniers appelés sont arrivés en juin 1963. J'ai participé à la formation conduite AMM8 de certains.
Le 18 octobre 1963, j'étais renvoyé dans mes foyers. Maintenant que j'ai 68 ans, je me demande encore pourquoi on confie des tâches aussi périlleuses à des gamins ? Si vous avez une explication, je suis toutes ouïes!
   
12_RCA_MOUZIN_petit MDL Guy MOUZIN. Classe 60 2/B. 2ème Peloton.
Cela fait exactement 50 ans, j'étais incorporé avec la 60 2/B, direction Fort de l'Eau au Centre d'Instruction de l'ABC. Après 4 mois de classes, le 15 février 1961, j'ai pris la direction du 12ème RCA à M'Sila, affecté au 2ème peloton du 4ème escadron, qui se trouvait alors en poste à Baniou, sur la route de Bou-Saada, au bord du Chott El Hodna. Je fus affecté comme tireur sur l'AMM8 "Grésivaudan". Il y avait également des AMM8 aux noms suivants : "Gâtinais", "Guyenne", "Gascogne". Au mois d'août 1961, l'escadron se déplaça au Hamman Dalaa et y resta jusqu'en avril 1962. Puis, à cette dernière date, nouveau déplacement pour s'installer à Ighzer Amokrane, dans la vallée de la Soummam pour sécuriser la route allant vers Bougie et permettre le départ des pieds noirs vers la Métropole. Enfin, nouveau transfert de l'escadron à la ferme Oudali à Bougie, où je suis resté jusqu'à ma libération le 20 octobre 1962. Soit, en gros, 24 mois de service militaire. J'avais fait le peloton CA2 dans un poste tenu par un peloton du 4ème escadron qui était commandé par l'Adjudant SICRE. Je ne me souviens plus du nom du poste qui était dans la montagne et dans lequel se trouvait un obusier qui portait le nom de "Dréat".
Je me rappelle de quelques noms: le Capitaine CHABOUREAU qui commandait le 4ème Escadron, dont l'indicatif était à l'époque Pilaf Carmin. En second, il y avait le Lieutenant MARTIN qui m'a d'ailleurs fait passer le permis AM. le 2ème peloton était commandé par le MDL Chef Louis MERIC, puis par le S/Lieutenant TIMSIT. Au 2ème peloton, comme MDL, je me souviens de FIERDO ou FIARDO, qui était de Nice, de Richard WINKLER qui était engagé et qui a fait carrière comme Officier, Hugues d'AUDIFFRET. Autres noms qui me reviennent à l'esprit : BECHU, qui était pilote, PAWLAK, MORVAN qui était agent EDF dans le civil, BLANCHOUIN, originaire de la Sarthe, PASDELOUP, qui était de Tours. Il me semble, BENITO, originaire de l'est, BOISROBERT, originaire de St Nazaire, qui avait travaillé aux Chantiers de l'Atlantique. Je me souviens également du S/Lieutenant BURBAUD qui commandait le 3ème peloton, du MDL BONAFUENTE, qui avait été affecté à la Harka, AUBERT, qui avait du être du même CA2, de l'Adjudant SCHWARTZ. En feuilletant les photos de l'époque, je reconnais des visages, mais je suis incapable de mettre un nom dessus.
Après la libération, je n'ai pas gardé de contact avec les camarades du Régiment. Ces deux années ont été longues, avec seulement une permission, et la fin surtout a été psychologiquement plutôt difficile. Quand je suis rentré, j'ai voulu retrouver rapidement une vie normale et penser à l'avenir. Heureusement que nous avons passé quand même quelques bons moments, ce qui nous a aidé à supporter l'éloignement de la Métropole.
Quelques évènements marquants qui me viennent à l'esprit :
A Baniou, la construction d'une piscine qu'il fallait remplir avec une citerne et qui fonctionnait sans appareil d'épuration.
Les gardes périodiques à la SAS de Chellal, qui se trouvait entre M'Sila et Baniou.
L'atterrissage forcé d'un T6 de l'Armée de l'Air sur la piste du Hammam, suite à une défaillance du moteur.
Après le Cessez-le-feu, l'ALAT nous avait offert des baptêmes de l'air qui nous avaient permis de voir notre Secteur du ciel. A cette occasion, je me souviens d'avoir survolé Melouza, de sinistre mémoire.
L'inondation de nos guitounes à la ferme Oudali où nous logions pendant la construction des baraques en dur, dans le haut du terrain.
Les escortes de convois sensibles, en particulier le transfert des Harkis et de leurs familles, de Sétif et Djidjelli à Bougie, pour embarquement vers la Métropole. Je me rappelle également d'une escorte d'un convoi d'armes et de munitions entre Bougie et Constantine. Suite à une panne sèche d'une AM, nous avions pris du retard et nous sommes arrivés à Constantine à la nuit. Pour aller au camp Frey, on devait traverser le Rummel. Pas de chance, dans la nuit on s'est trompé de rue et nous avons du faire un demi-tour à tout le convoi dans un quartier indigène, parmi les civils plutôt étonnés. Finalement, nous sommes arrivés au camp Frey dans la nuit. Le poste de garde à l'entrée n'était pas prévenu de l'arrivée de ce convoi, sans doute pour des raisons de sécurité. Il y avait quand même 20 tonnes d'armes et de munitions !
Au retour du peloton d'Honneur à l'aérodrome le 27 septembre 1962, j'ai eu un sérieux problème à l'oeil. Le médecin-aspirant BUCHER m'a soigné et enlevé, avec les moyens du bord, les poussières qui s'étaient incrustées dans le cristallin.
J'arrête là la chasse aux souvenirs. Il est vrai qu'en deux années, il s'en est passé des choses.
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12_RCA_BRETONNEAU_portrait   Chasseur de 1ère Classe Guy BRETONNEAU. Classe 58 2/C. 2ème Peloton.
1ère anecdote :
En arrivant au 12ème Régiment de Chasseurs d'Afrique, j'ai été affecté au 2ème Peloton du 4ème Escadron qui se trouvait à Guendouza près d'Akbou, dans la vallée de la Soummam. Le Commandant de l'Escadron était le Capitaine de LESCURE, et mon Chef de Peloton, le Lieutenant BALEYTE. Ce dernier était également mon chef de bord sur l'AMM8 où j'étais tireur.
Dès le lendemain, le Lieutenant BALEYTE rassembla les tireurs des AM, des Scout-cars et des Half-tracks pour une séance d'entrainement au tir. Pour ce faire, il fallait retirer les bandes de balles pour mitrailleuses de 50 et de 30 qui étaient reliées avec des maillons métalliques qui nous servaient pour les opérations, et les remplacer par des bandes en toile qui servaient pour l'entrainement. Cela n'était pas pratique à poser et souvent il y avait des problèmes d'enrayement. Nous allions donc les retirer à l'armurerie.
J'étais dans ma tourelle occupé à mettre en place ma bande en toile sur la mitrailleuse de 30, j'introduis la bande dans le magasin, referme le couvercle et donne deux coups de sécurité obligatoires pour que la bande soit bien engagée.
Premier coup de sécurité....OK. Deuxième coup de sécurité...ta ta ta ta ta ta ta ta ta... une rafale de balles, peut être une quinzaine, vint crépiter sur le mur de la cour du poste ! Pour ceux qui ont connu l'endroit, et les autres, lorsque l'on venait d'Akbou, en rentrant dans Guendouza, on virait à droite, il y avait une grande cour avec la fameuse "Chambre des Miracles", avec derrière, le poste de Garde qui avait des vues sur le piton d'Akbou.
Suite à cette rafale de mitrailleuse sur le mur de la cour, tout le monde accouru pour savoir de qui se passait ! J'expliquai donc à mes copains comment cela s'était passé. Rapidement, nous constations que l'incident aurait pu avoir des conséquences dramatiques, car dans cette cour, il y avait très fréquemment beaucoup de monde ! Il y aurait pu avoir des blessés et des morts ! Mais là, à cette heure, personne...Quelle chance, Dieu merci !
Parmi l'attroupement rapidement formé autour de moi, le MDL/Chef MINIER s'approcha en hurlant : "BRETONNEAU ! Vous êtes complètement c..., vous êtes convoqué au bureau du Capitaine ". Je me rendis donc au bureau du Capitaine de LESCURE, tremblant comme une feuille ! J'expliquai les faits avec sanglots.
Après mon récit, réprimande bien sur à la pensée qu'un drame aurait pu se produire. Aujourd'hui, à 73 ans, j'en rêve encore ! Je m'attends à une sanction sévère.
Le motif tomba quelques jours plus tard : Ni sanction, ni peine : "BRETONNEAU ! Soyez attentif dans votre travail à l'avenir. " MERCI MON CAPITAINE !
12_RCA_BRETONNEAU_cabane_bambou
Du même Chasseur de 1ère Classe Guy BRETONNEAU. Classe 58 2/C. 2ème Peloton.
2ème anecdote :
Courant 1961, les temps changèrent. Me voici muté au PC comme armurier et au poste de ravitaillement en carburant pour véhicule, aidé par le célèbre Corse et ami COSTA, sous les ordres du MDL/Chef BOUËTARD.
 
 
12_RCA_LE_RACHINEL_portrait1   Chasseur Fernand LE RACHINEL    Classe 62 1/A    1er Peloton, puis E.C.S.

Jeune ouvrier compositeur- typographe, muni de mon CAP, à l’âge de 19 ans, c’est à GUINGAMP que j’effectue mes 3 jours. Après une première série de tests, nous sommes 4 sélectionnés sur 40 pour un second test (de littérature politique, autant que je me souvienne). En finale, je suis reçu en compagnie d’un professeur et j’apprends avec fierté mon admission pour suivre un peloton d’élèves officiers. Ce sera à  MOURMELON-LE-GRAND, au 503e RCC. Le 4 janvier 1962.

56 élèves âgés de 19 à 31 ans. Je suis le plus jeune. N’étant pas sursitaire, j’ignore l’existence de la PMS et même de la PME. Face aux brillantes études de mes camarades, issus pour la plupart de très belles familles, mon certificat d’études primaires fera pâle figure. Ma sélection intriguera d’ailleurs plus d’un gradé. Au terme de cette formation EOR, une partie des élèves intégrera Saumur. Pour ma part, une affectation en Algérie me conduira au 12e RCA. En compagnie de Philippe MEYER, issu du même peloton EOR.

La traversée en bateau comme pour les suivantes sera programmée à fond de cale. Une cale que nous partagions avec les familles de harkis. Conditions difficiles dans le vomi ou les jeunes appelés constituaient une source de revenus non négligeables pour les marins qui exploitaient honteusement la situation. Ceux-ci « offraient » leurs couchettes pour la somme de 100 F. Au premier voyage je partageai cette couchette avec un camarade et nous y dormîmes à tour de rôle pour 50 F chacun.

Le DIM à Alger. Le tri des appelés et le convoyage en train. Direction M’SILA. Une allure d’escargot en 3e classe, le convoi ralentissant à chaque pont. Nous serons trois bleus affectés au 4e escadron, basé à IGHZER-AMOKRANE et commandé par le Capitaine CHABOUREAU. Moi, Philippe MEYER et Michel CREVEL un jeune nancéen que sa mandoline ne quittera  jamais. Faible relève qui décontenança le comité d’accueil.

Affecté au 1er peloton comme tireur sur AM sous les ordres du Lieutenant TIMSIT,  je me familiarise avec mes mitrailleuses de 50 et 30. Je découvre aussi mon canon et ses différentes sortes d’obus. Deux jours plus tard, le lieutenant TIMSIT m’annonce mon départ prochain à SETIF afin de suivre une formation de sous-officier. Philippe MEYER, de son côté est bien sur sollicité pour le même motif.

Je suis ravi car depuis MOURMELON, j’envisage une carrière militaire ; devenir officier, l’aventure ; c’est pour moi une promotion sociale. J’imagine aussi la fierté de mes parents de condition très modeste. Mais un gros grain de sable va mettre à mal mes projets. Le Lieutenant quitte précipitamment l’escadron ; pour assister, je crois, à l’inhumation d’un proche et ne reviendra pas. Le peloton se trouve alors provisoirement sous les ordres du chef MERICK. Ce dernier procède à un changement, je suppose avec l’aval du Capitaine, et envoie à ma place un nordiste, Emile DECLERCQ. Je ne serai donc pas Maréchal des logis. Désillusionné, vexé, je songerai désormais à mon avenir sous d’autres cieux.

De patrouilles en escortes, je découvrirai  la Kabylie. C’est l’avantage de la cavalerie ! Recherche d’itinéraires de secours, rapatriement de familles de harkis jusqu’au port de BOUGIE. Protection des familles de gendarmes, de convois sensibles ; il m’arrivera aussi de garder de nuit, le monument aux morts d’AKBOU ou une ferme ou encore un cimetière. Les expériences seront diverses.  

Quelques moments forts, avec l’indépendance qui nous clouera durant 3 jours dans le camp, retranchés à IGHZER-AMOKRANE, sans ravitaillement, alors que l’armée algérienne manifestait sa joie en tirant dans tous les sens. Le convoyage des familles de harkis dans les gorges de KERRATA, à grande vitesse. Les familles avaient été chargées à Constantine ; les enfants en bas âge étaient revêtus d’un sparadrap sur la bouche, les empêchant de pleurer. Les camions bâchés hermétiquement, il s’agissait officiellement d’un convoi de munitions. Avec les GMC cela allait, mais avec les SIMCA, nettement plus rapides, nos AM avaient du mal à suivre ; dans la tourelle, il fallait s’accrocher ! Les fellaghas disposaient des barrages ici ou là, avec des bidons dont l’espacement ne permettait pas à un camion de passer. Pour empêcher tout contrôle, il fallait forcer le barrage car il n’était pas question de s’arrêter. Arrivées au port de Bougie et toujours sous notre protection, ces familles, la peur au ventre, pouvaient enfin respirer, pris en main par les officiers de la Royale.

Un autre moment fort à IGHZER-AMOKRANE fut la tentative de désertion du Brigadier-chef  harki CHEBABA ; après avoir fait l’extinction des feux dans nos chambrées, il entreprit de franchir en pleine nuit le mur d’enceinte du camp, en emportant je crois quelques armes. Le FLN l’attendait de l’autre côté du mur. Intercepté, sa tentative fut un échec. Vers 4 heures du matin, je fus réveillé pour escorter en jeep le déserteur vers ce qui devait être le 2e bureau à M’SILA, afin d’y être interrogé. Lors de ce voyage, en plein soleil de midi, j’attrapai sur le visage un mémorable coup de soleil, avec des brulures au second degré. Le 1er peloton comprenait plusieurs harkis regroupés au fond de l’étable qui faisait office de chambre.  Etant le « bleu », le dernier arrivé, un lit superposé me fut attribué en limite des deux communautés. Aussi, je ne dormais souvent que d’un œil ; nous savions qu’un peu partout en Algérie plusieurs harkis essayaient de sauver leur peau en désertant. En vain ! Ceux-ci  étaient exécutés sans pitié par le FLN. Nous avions aussi appris par la rumeur que dans certains cas, des appelés avaient été assassinés au moment de leur fuite. La vigilance était donc de mise.

Lorsque nous déménagerons pour BOUGIE à la ferme OUDALI, notre premier travail sera de niveler et aménager le terrain devant recevoir les bâtiments préfabriqués. Pendant toutes les semaines que va durer le chantier, nous dormirons sous de grandes tentes au confort spartiate ; chaleur éprouvante, moustiquaires, les pieds dans l’eau lors des orages, nous avions intérêt à vérifier l’intérieur de nos rangers ou de nos pataugas le matin avant de les enfiler. Les latrines creusées en lisière de camp représentaient une véritable expédition surtout en pleine nuit. Quant à l’environnement de ces lieux d’aisance, j’aimerais voir la tête des jeunes d’aujourd’hui, s’il leur fallait revivre cette situation !

Atteint d’une dysenterie amibienne, sonné, je fus dirigé sur l’infirmerie de garnison à BOUGIE. Je partageai ma chambre avec un harki âgé d’une cinquantaine d’années. Une sérieuse inquiétude me gagna quand je le vis chaque soir déplacer l’armoire de la chambre pour barricader la porte. Peur des représailles et d’être assassiné en pleine nuit.

Enfin, nos baraquements terminés nous accueillirent et la condition d’homme de troupe nous parut nettement plus confortable. Les missions se poursuivent et ma carrière militaire va connaitre un tournant décisif. Un jour, alors que je suis de garde d’honneur à l’entrée du camp, une alerte survient pour un convoi en difficulté. La situation est urgente et deux AM sont désignées pour la mission. La mienne en fait partie. Je suis récupéré à l’entrée du camp et je grimpe dans la tourelle sans avoir eu le temps de me changer. Au bout d’1 km, mon chef de char s’aperçoit que mes armes ne sont toujours   pas déverrouillées. Obligé d’avouer que les clés des cadenas sont restées au camp, dans mon treillis ; il nous faut rebrousser chemin ! Cette mésaventure me vaudra les reproches appuyés de mes supérieurs.

Déclaré exempt de garde et surtout de port d’arme, je suis alors affecté à l’ECS où je vais occuper plusieurs fonctions successives. Préposé aux douches, sera mon premier emploi. Défileront devant moi, des milliers de personnes en tenue d’Adam, dans les installations sommaires de la ferme OUDALI. Tous les matins, je suis le premier levé pour allumer le feu alimentant la chaudière et réguler l’eau chaude. Je confesse que je ne garde pas un souvenir ému de cette responsabilité.

12_RCA_LE_RACHINEL_Infirmerie

Mais un beau matin, l’Adjudant SICRE me convoqua dans son petit bureau faisant face au golf miniature. Il me signifia mon changement de statut prenant effet dès le lendemain. Coiffeur ! N’ayant  aucune  notion de ce métier ma nomination surprit tout le monde. Alors qu’un de mes camarades, VALADE, avait suivi une formation spécifique de coiffeur pendant ses quatre mois de classes ; un autre encore était coiffeur de métier. Le lieu où j’allais désormais opérer était le bureau de l’Adjudant. A la première heure, j’examinai mon matériel, une tondeuse à main ; elle ne me servira jamais…trop compliqué. Une tondeuse électrique, une paire de ciseaux et un couteau à la lame très aiguisée. L’Adjudant-chef  SICRE souhaitant tester mes compétences sera mon premier client…et ma première victime. Alors que j’étais assez fier de cette coupe inaugurale, pourtant réalisée de manière peu académique, j’entrepris de parfaire l’ouvrage ! Une belle coupe cavalière en fignolant le tour de l’oreille avec mon long rasoir. J’oubliai tout simplement de lever mon couteau en contournant l’objet du délit. L’entaille conséquente provoqua une hémorragie qui mit l’Adjudant dans une fureur légitime. Mais après seulement quelques jours, je devins un spécialiste de « la coupe au rasoir » et de « la coupe tout ciseaux ». Et tout cela, sans aucune formation. Ma réputation dépassa le 4e escadron et très vite une jeep fut mise à ma disposition pour exercer mes talents sur les officiers des régiments voisins. La consécration en quelque sorte ! Et une légère concurrence pour les coiffeurs civils. Par ailleurs, l’Adjudant veillait à ce que la relève qui nous arrivait après quelques mois d’Allemagne, soit bien gratifiée de la coupe « cavalière », bien dégagée ! Une seconde incorporation en somme.

Parallèlement,  je ferai du reportage photo avec un appareil Dacora, acheté au foyer ; je serai serveur occasionnel, lors de réceptions officielles au mess ; écrivain public, pour certains de mes camarades en difficulté..

 

12_RCA_LE_RACHINEL_Vaguemestre

Ma tondeuse ayant trop chauffé, rendra l’âme et il s’avèrera impossible de la remplacer sur Bougie. Les ciseaux prendront la relève. Le hasard voudra que le Chef vaguemestre quitte sans délai l’escadron. Le Lieutenant DUMESNY n’a semble-t-il personne de disponible avec le bon profil pour le remplacer et me sollicite pour occuper cette fonction, en principe dévolue à un sous-officier. N’étant que seconde classe et de plus, exempt de port d’arme, ce n’était pas évident. Le rôle de vaguemestre étant crucial, je donnerai mon accord avec enthousiasme, signerai le 15 Mai 1963 un document où sont consignées mes responsabilités, communiquerai mon adresse civile et accepterai de porter une arme ; un PA en l’occurrence et je serai accompagné d’une escorte.

Le dimanche était un jour attendu qui me permettait de quitter le camp, en posant une permission pour assister à l’office religieux de Bougie où  j’avais noué quelques relations au sein de la chorale. Pratiquement le seul à bénéficier de cette possibilité de sortie, une jeep m’amenait au centre de Bougie et après la Messe, je restais déjeuner dans un restaurant de la ville, retrouvant souvent quelques camarades.

Lors d’une de ces sorties, je fus très étonné d’être le seul militaire visible en ville ainsi qu’au restaurant. J’ignorais que tous les militaires du secteur de Bougie avaient été consignés à cause d’une grande manifestation politique prévue en centre ville. L’ordre n’était semble-t-il pas parvenu au 4e escadron. Ou alors, les gradés avaient oublié qu’une jeep me conduisait tous les dimanches matins à Bougie. C’est en sortant du restaurant que je découvris avec stupeur une marée humaine remontant le boulevard avec banderoles et haut-parleurs. La lutte pour le pouvoir en Algérie entre trois willayas.

Une centaine de mètres nous séparaient ; en m’apercevant, certains éléments agités me firent la chasse. Je n’en menais pas large, heureusement que champion de cross, je courais vite. Isolé au milieu de la rue, au moment de prendre la fuite, je tombai sur deux légionnaires allemands. Nous devions être les seuls militaires présents en ville. Plus âgés, plus aguerris, plus surs d’eux, ils me prirent sous leur aile et nous courûmes jusqu’au port, où ils se saisirent sans ménagement d’une barcasse nous permettant d’échapper à nos poursuivants. De retour à la ferme OUDALI , je passai sous silence cette aventure, de crainte de ne plus pouvoir ressortir.

Viendra avec surprise ma libération anticipée, alors que j’étais parti pour 28 mois. En raison du départ rapide de plusieurs classes chaque mois, la mienne, la 62 1/A, sera la première à gagner 10 mois. Cela explique certainement les difficultés d’organisation des services de l’ECS, comme le départ rapide du vaguemestre. Le retour en bateau sera assez agité mais je dormirai toute la nuit sur le pont, au milieu de plusieurs harkis méditant sur leur triste sort.

Ce retour sur le KAIROUAN me fera prendre conscience qu’une page importante de ma vie est tournée. Je suis malgré tout, fier d’être resté 2e classe ; fier d’être chasseur. Et fier de mon certificat de bonne conduite, signé Lieutenant-colonel MARSAUCHE. Cette expérience nord-africaine avec ses acquis, restera un excellent souvenir. C’est la croisée des chemins. A 21 ans, tous les rêves sont permis, la carrière militaire que j’avais tant espérée s’étant évanouie, il me reste plusieurs options, la Normandie, le Canada, le Japon et Tahiti. Ce sera la Normandie, pour peu de temps, puis la Suisse où je rencontrerai aussitôt deux autres français de retour d’Algérie. Ils me proposeront de les accompagner en Afrique avec un contrat de mercenaire. Je ne les suivrai pas. Beaucoup plus tard, j’aurai des contacts avec Bob DENARD en RSA ; mais ceci est une autre histoire.

De cette période en Kabylie. Quelques noms me reviennent en mémoire, le chef  Yves SCHMITT décédé depuis peu et que je rencontrais au sein de l’Union Nationale des Anciens Chasseurs d’Afrique. Bernard  PERRIN, responsable du foyer. Il m’a rendu visite à Genève, peu après notre démobilisation.  PASDELOUP, BLANCHOIN, « NARVALLO », Gérard CLABAUT,  DESVAGES, le chef CARATTERO, Jean-Pierre VACOSSAINT, DETREZ, Edmond MARQUE, Joseph PAWLAK, Joseph ORIEUX, Jean-Pierre POIRE, AUDOU  et à l’ECS de Bougie, Bernard VALADAS, Gérard UBELMANN, ASTRUC…Il y a une vingtaine d’années, j’eus le grand plaisir de prendre un verre avec l’Adjudant SICRE que je revoyais avec émotion. De passage à Troyes, j’avais trouvé son nom dans l’annuaire.

Pour conclure, je regrette tout de même le manque d’informations dont disposaient les « chasseurs » sur les missions, la situation politique du pays ; nous ignorions les enjeux, les luttes d’influences entre les factions militaires et politiques, les massacres de harkis, de leurs villages, les souffrances des pieds-noirs, les tueries d’Oran. A 20 ans, nous étions des jeunes sans expérience face à un conflit qui nous dépassait. Ce n’est que beaucoup plus tard, avec l’aide de toute la littérature publiée sur la guerre d’Algérie que les éléments du puzzle se mettent en place et que le sens de nos actions, trouve son explication.

Gardant toujours en mémoire la devise du 12e RCA « Audace n’est pas déraison » et n’hésitant pas à y faire référence en toute circonstance, la vie civile me sourira et m’apportera d’autres satisfactions. Sur le plan professionnel, en créant de nombreuses sociétés, et en obtenant le titre de « Meilleur Ouvrier de France ». Sur le plan politique, élu Conseiller général pendant plus de vingt ans et Député européen pendant dix ans. Des aventures qui m’ont conduit à découvrir une centaine de pays

 

   S/Lieutenant Christian BURBAUD    Classe  60 2/B   Chef du 1er Peloton

Je suis arrivé au 12RCA en mai 1961 comme Aspirant en sortant de Saumur et après le stage d'Arzew 

Mes affectations et fonctions : 

-Dès mon arrivée à M'sila direction le 5°  escadron, quelques jours avec le Cne Codet puis prise de commandement du poste de Tarmount .

 -Mutation au 4° esc ( Lt Chaboureau ) pour diriger un cours de CA 2 ... quelques jours au Hammam pour préparer le cours puis direction Dar Kébira où se déroule la formation ( 2 mois je crois ) ; durant cette période l'adjudant (Sicre) qui commande le poste part en permission ainsi j'ai la responsabilité supplémentaire du poste et du peloton ... une opération impliquant plusieurs régiments voisins est réalisée à ce moment ... 

Novembre -décembre je reviens au PC  4° Esc. après le CA 2 et le retour (sans doute? de l'adjudant) et prend le commandement du 1er Peloton AMM8 et passe Noel au Hammam. 

1er janvier 1962 permission (10 jours ?) en France métropolitaine. 

A mon retour de permission (vers le 15/1/62) toujours au 4° esc., je prends le commandement du poste de Tarmount et de son Peloton d'AMM8 jusqu'à fin avril.

Je rejoins alors le 503 ° RCC à Mourmelon.

 

     Lieutenant René BALEYTE

Nous n'oublions pas que René BALEYTE, alors qu'il était au 12ème Cuirassiers, Commandé par le Colonel ROUVILLOIS, a été le premier à entrer dans Strasbourg avec le Sherman "Evreux" du Peloton Briot. Il était tireur, le Chef de Char était le MDL GELIS. Ce char en tantant de traverser le pont Vauban a encaissé 7 impacts de bazookas et 3 coups de 20mm ! 


DIVERS
 
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Collection M. Crevel
MESSAGES REÇUS

contact : toudja.cultuelle@gmail.com    Sujet : Amitiés avec Toudja

Contenu du message :
Je souhaite rentrer ne contact avec des personnes qui sont passées par Toudja à coté de Bougie algérie.
salutation et merci
https://www.facebook.com/toudja.cultuelle

   

 

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